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14 février 2011

La Excelencia (interview Salsafrance)

Un grand interview de la Excelencia (New York) publié le mois dernier sur Salsafrance (merci à Déelle et Juanito pour l'interview et à Jack pour l'autorisation de publier avec un mois de décalage), et dans lequel ils défendent la nouvelle vague de salsa dura, en citant la 33 (Colombie) et ... la Ocho y Media :

"La salsa n’est pas morte"
NEW MORNING, PARIS - 10 NOVEMBRE 2010  
par Déelle , par Juanito  

Mercredi 10 novembre 2010, la Excelencia se produisait pour la première fois à Paris. A peine remis de leur prestation, Julian Silva et José Vazquez-Cofresi nous recevaient dans le salon de leur hôtel. La première partie de cet entretien nous avait entrainés au coeur de la "salsa consciente". Dans cette seconde partie, les fondateurs de la Excelencia vont nous faire partager leur vision de la "salsa dura".

Quelle est votre définition de la salsa new-yorkaise ?

Julian : Pour moi, c’est Eddie Palmieri qui a créé le son de New York. Il n’était pas le seul, mais tous ceux qui ont marché dans les pas de la salsa dura ont utilisé deux trombones. Et le son des trombones est devenu le son de New-York.

Julian : La salsa de New York est une salsa agressive. Et tous les deux, on adore ça ! Quand on a enregistré "Salsa Con Consciencia" et "Mi Tumbao Social", la section de cuivres venait pour enregistrer sa partie, ils cherchaient à obtenir des sonorités douces et jolies, et çi et ça... J’ai pris mes gars à part, et je leur ai dit : "Je ne veux pas que ce soit doux, je ne veux pas que ce soit joli. Jouez fort, jouez "sale" !". C’est comme ça que notre son est né.

Le son de Willy Colon était ’’sale’’...

Julian : Oui... Willie Colon et Hector Lavoe n’étaient pas acceptés au début. Les gens n’aimaient pas trop ça. Finalement tout le monde s’est mis à faire comme eux !

José : Quand les gens nous comparent à d’autres groupes, c’est tout de suite à la Fania All Stars, et le plus souvent à Willie Colon et Hector Lavoe. Parce que c’était des jeunes qui jouaient de la salsa avec un son ’’sale’’. Quand nous travaillions sur les deux albums, je n’avais que deux ou trois mp3 de Willy Colon et Hector Lavoe. Depuis je les ai écoutés, et j’ai tout compris. Mais ils ont leur propre style, et nous on a le nôtre.

On nous rapproche à cause des cuivres. C’est une spécificité new-yorkaise. Il y a des groupes à New York qui se sont éloignés de tout ça, et on trouve ça triste parce qu’ils devraient représenter notre son. Mais c’est trop propre. Qu’est ce qui leur est arrivé ? Ce sont des très bons musiciens qui ont beaucoup travaillé dans les studios, mais ils sont devenus trop parfaits.

Julian : Dans notre cas, et je suppose que c’est le secret de notre réussite... C’est le genre de formule que vous aimez bien, les journalistes, “Quel est le secret de la Excelencia ?” Et bien le secret, c’est qu’on n’a jamais recherché le succès.

C’est vrai qu’on n’a pas l’impression qu’il y ait du marketing derrière la Excelencia. La Fania utilisait beaucoup le marketing : les images de gangsters des albums de Willie Colon ou tout simplement le concept du All S tars.

Julian : Ce que je veux dire par "On ne recherche pas le succès", c’est qu’on se fiche de ce font que les autres. Les autres se disent : "Je ne vais pas écrire ça, je ne vais pas m’habiller comme ça, parce que ça ne va pas plaire au marché. Je ne vais pas jouer de cette façon sinon tel ou tel organisateur de concerts ne me proposera jamais de date". Si on est black-listé auprès d’un organisateur, peu importe ! Si on n’est jamais invité à jouer dans ce club ? Peu importe ! C’est notre façon d’être .

José : Vous agissez d’une certaine façon, et il se trouve que ça capte l’attention. On a parcouru le monde et on commence à voir ce qu’on a initié. On a influencé plein d’autres groupes. Il n’y a pas longtemps, on est tombé sur le nouvel album d’un groupe et ça nous a fait rire. On s’est dit : "Tu te souviens de ces gars qui étaient en costumes ? Maintenant ils s’habillent comme nous !"

C’était les mêmes qui nous disaient : "Vous tirez la salsa vers le bas en vous habillant comme ça". Et maintenant ils font comme nous. Aaron Levinson, le producteur du premier CD du Spanish Harlem, m’a écrit : "Je vais te dire un truc, José", m’a-t-il dit - C’était un choc, parce que c’est une pointure. Il a gagné un Grammy !- "Vous êtes allé à gauche alors que tout le monde allait à droite. Finalement vous tirez tellement les choses vers le haut que tous les autres vont suivre".

Je n’aime pas trop citer les autres groupes, sauf pour en dire du bien (par exemple, je pourrais vous parler de la Ocho y Media que j’aime beaucoup en France). Mais il y a des groupes qui racontent qu’ils jouent de la salsa urbaine. Ils disent aussi : "Je fais de la musique sociale". La meilleur preuve que notre salsa est sociale, c’est que nous ne faisons pas qu’écrire cette musique, nous croyons en cette musique. Vous verrez Julian dans les manifestations, vous me verrez dans les manifestations... Vous nous verrez dans les écoles pour aider les enfants. Nous faisons tout ça. Quand nous rentrons dans nos foyers, nous aidons notre communauté. Nous organisons des concerts gratuits pour lever de l’argent et aider les enfants atteints du SIDA. C’est pour ça qu’on écrit cette musique, c’est ce que nous sommes.

On voit bien que la Excelencia a lancé une mode, ou du moins les gens pensent que c’est une mode, mais ça n’est pas ça....

Vous ne vous préoccupez donc pas de représenter un mouvement … ?

José : Il y a un journaliste qui a parlé de mouvement à notre sujet. Laissez-moi vous expliquer ce qu’est pour nous le mouvement. Quand je dis mouvement, ce n’est pas pour dire aux autres : "Suivez-moi ! Suivez-moi !". Pour nous le mouvement, c’est faire bouger ce qui est établi. Qui a dit que notre musique ne serait pas jouée sur les radios ? Le type des majors qui veut gagner de l’argent ? Celui qui vous vend une image d’un gars qui n’est même pas un sonero... ?

Julian : Une dernière chose à propos du mouvement... On ne veut pas être copiés. Ce qu’on veut c’est que les autres regardent ce qu’on fait en se disant : "C’est ça qu’il nous faut, écrire notre propre musique". C’est primordial. Si on me demandait : "Quel serait le but ultime de votre groupe ?", le but ultime de mon groupe serait de faire que les autres écrivent leur propre musique.

Personnellement (je parle pour moi), je suis épuisé d’entendre "El Cantante" de Hector Lavoe joué par tout le monde... "Pedro Navaja" : personne ne le fait mieux que Ruben. Faites quelque chose de nouveau ! Votre première question était : "Est-ce que la salsa était en train de mourir ?" La salsa mourra si elle n’évolue pas. Les gens pensent qu’en faisant des hommages à la Fania, ils gardent la salsa en vie. Non ! Ils en font une momie ! Elle restera dans les années 70 pour toujours, à moins que vous n’écriviez des nouveaux matériaux pour la faire évoluer.

 

La chose dont je suis fier, c’est que mon groupe fait avancer la salsa. Les gens écoutent notre musique et se disent : "C’est une super chanson ! Qui c’est ? La Excelencia ? Je ne connaissais pas... Génial !". Et avec un peu de chance ils vont encore l’écouter pendant plusieurs années. Et sinon, quelqu’un d’autre viendra et écrira une chanson plus belle et perpétuera le mouvement. C’est très important pour nous de perpétuer ce mouvement.

Je ne pense pas que Willie Colon dirait : "J’aime bien ce groupe parce qu’ils ont fait une belle version de "Idilio" ou de "La Murga"". Non, il dirait : "Ils sont bons parce que c’est original et que ça sonne bien"

Que pensez-vous de la salsa colombienne ? C’est une salsa urbaine... Elle parle des problèmes des gens... tout comme vous.

José : Je veux cette question ! (rires) Julian, je sais que tu es colombien, mais je veux répondre à cette question.

Je voudrais vous dire combien la salsa colombienne a été importante pour moi pendant les années 80 et 90. En tant que portoricain, je veux rendre hommage à la Colombie pour avoir su garder la salsa vivante alors que tous les autres faisaient de la romantica. Piper Pimienta, Fruko y sus tesos, Joe Arroyo... Tous ces artistes ont amené cette musique -la salsa dura- jusqu’aux années 90. Ils n’ont jamais abandonné et continuent encore aujourd’hui. Et puis d’autres sont arrivés et ont commencé à jouer la musique d’avant...

Julian : C’est là où j’interviens. En tant que colombien, je dois dire que je suis un petit peu déçu de ce que la musique colombienne est devenue. C’est exactement ce dont on parlait tout à l’heure : rejouer la musique des autres. Certains artistes colombiens ont beaucoup de succès... Un exemple : la Sonora Carruseles. 95% de leur musique est du matériel du passé. Ce n’est pas original. Il y a d’autres groupes comme ça : ils prennent une chanson très connue, la transforme en salsa, en vallenato, en cumbia, et les gens la reconnaissent. Il n’y a rien de mal à ça, mais je sens qu’il manque quelque chose.

Il y a de nouveaux groupes qui arrivent...

Oui, c’était bien à eux auxquels je pensais...

José : Il y a un groupe que j’aime beaucoup : Calambuco. Ils ont ce son naturel, leur propre couleur musicale. C’est vrai aussi pour la 33. La 33 est tombé dans les remakes avec "Roxane", mais j’aime le fait qu’ils font aussi leur propre musique. Cela dit, j’ai une préférence pour Calambuco.

Julian : J’aimerais intervenir. Je trouve dommage que La 33 ait fait une reprise de "Roxane". Ils ont beaucoup de talent. "La panthère rose" également a été un succès énorme, très fin, très bien réalisé. Mais j’ai envie de leur dire : "Écrivez des bonnes chansons comme vous l’avez fait auparavant. Ayez le même succès avec vos propres chansons, non pas parce que je ne vous aime pas, mais parce que vous êtes bons. Alors foncez !"

C’est vrai que Roxanne n’a pas vraiment sa place dans "Ten Cuidado !" ... (ndr : le dernier album de la 33)

José : t;/strong> Les gens trouvent que La 33 et La Excelencia se ressemblent parce que nous sommes, l’un comme l’autre, deux groupes jeunes. Nous venons, l’un comme l’autre, d’une grande métropole (New-York /Bogota). Nous venons, l’un comme l’autre, de la classe ouvrière. On a beaucoup de points communs, mais notre musique est différente. Eux aussi sont suivis, donc nous ne sommes pas les seuls. La 33 tire les autres vers le haut, la Excelencia tire les autres vers le haut. C’est bien pour tout le monde, ça fait avancer la musique.

Julian : Tout ça tourne autour de la notion d’exploration. Tout à l’heure, je faisais référence au secret de notre succès. Un autre secret, c’est – Exclusif ! - (Rires) On ne sait pas où on va.

Vraiment ?

Quand on a réalisé "Salsa Con Consciencia", je n’avais jamais écrit de musique de ma vie. (stupéfaction)

"La Lucha" a été la première chanson que j’ai jamais écrite. Quand j’ai coproduit "Salsa Con Consciencia", je n’avais encore rien produit. On s’est dit : "Qu’est-ce que je veux écouter ? OK, on le fait ! Je sais ce que je veux, allons aux studios. Et si ça doit prendre deux mois pour obtenir ce son, ça n’est pas grave !" C’est ce qu’on a fait.

José : Quand on écrivait les chansons de cet album, on avait peur de faire un son trop dura. "La Lucha" était dura, "La salsa y el guaguanco" était dura. En fin de compte, ces deux chansons sont rentrées dans les charts et ont été jouées partout. "La Lucha" est vraiment représentatif de ce qu’est Julian. Je connais Julian depuis 15 ans. Cette chanson, c’est lui.

Julian : C’est l’autre secret que j’aimerais partager avec les autres groupes : Explorez votre propre musique. N’essayez de ressembler ni à la Excelencia, ni à la 33, ni à personne !

José : Une des choses dont on est fier, c’est d’avoir vu Cheo Féliciano sur scène. S’il y a un artiste qui n’a jamais abandonné, c’est Cheo. Il continue à tourner et donne tout ce qu’il peut. On voudrait que les autres salseros encore vivants -il y en a plein à New York, assis à côté de leur téléphone en attendant qu’il sonne-, on voudrait les voir tourner et faire ce que fait Cheo. On veut plus que que ça : on aimerait être une passerelle, que les les gens se disent : "Hé, je n’avais jamais entendu de salsa avant, j’aime bien ça, en fait !" On voudrait être ce guide qui va vous emmener à ce nouveau monde. Ca nous ravit d’entendre : "Je suis fan de la 33, je suis fan de la Ocho Y Media..."

Vous avez mentionné plusieurs fois la Ocho, un groupe français qu’on aime beaucoup. Parfois, on est un peu triste d’entendre dire qu’ils ne font pas de la pure salsa. On leur reproche leur mélange des styles…

José : On appelle cette musique salsa parce que c’est un mélange. Un exemple : "La Lucha". Il y a une partie colombienne – très colombienne. La partie qu’on appelle a caballo en fait n’est pas un a caballo ! Julian m’a dit : "Tu sais quoi ? Essaie de jouer une bomba portoricaine là-dessus, et voyons si on arrive à faire une cumbia". "Comment je vais faire ça ?" Et à ce moment-là, il se met à jouer un danzon. Dans une seule section : une bomba, une cumbia et un danzon !

Julian : On a joué tous ces rythmes en même temps, et ça a marché merveilleusement. On s’est dit : "Super, on l’a ! Mais c’est quoi ? Je ne sais pas."

José : J’ai vu ça dans l’album de Jimmy Bosch : Il y a une chanson qui est à la fois un son, un son montuno, un danzon, une guaracha. C’est incroyable !

Julian : "La Salsa y El Guaganco" au départ est un guaguanco, puis une salsa, et puis une descarga. Il y a tellement de styles et de rythmes à mélanger ! C’est l’unique raison pour laquelle on appelle cette musique salsa. Et pourquoi dit-on salsa dura ? Parce que c’est une salsa agressive. Vous l’entendez et vous vous dites : "C’était fort ! J’ai pris ça en pleine figure ! Inoubliable..."

José : On a fait danser même ceux qui ne savaient pas danser. C’est ça, notre mission. On adore ça ! Rendre fou le public, ça nous rend fou également.

Julian : J’aimerais conclure sur le concert de ce soir. Si vous saviez, il y a eu tellement de gens qui nous ont écrit pour nous demander de venir jouer à Paris... Et quand ça s’est enfin concrétisé, j’ai fait : "Yes !"

Oui, on était parmi ces gens-là.

José : On a laissé une partie de nous même sur scène ce soir. Moi même, j’ai failli m’évanouir... J’étais tellement fatigué qu’il a fallu me jeter de l’eau dessus. J’ai quand même gravi la Tour Eiffel aujourd’hui ! (rires) A la fin de "Ana pa mi tambor", j’avais tout donné.

Ce qu’on a ressenti pendant cette chanson... c’était très fort ! Ca nous a donné des frissons.

José : Merci beaucoup. On a vraiment ressenti la connexion avec le public ce soir.

Julian : Entendre "J’ai eu des frissons en vous entendant", voir les sourires dans la foule... Tout ça, ça signifie beaucoup pour nous.(Julian s’interrompt...)

Vous me racontiez que vous aimiez le fait que les fans de salsa pouvaient parler avec les musiciens de salsa... Peut-être êtes vous en train de le regretter, parce qu’on va parler toute la nuit ! (rires)

Effectivement, la discussion aurait pu durer jusqu’au bout de la nuit, mais nous laissons nos hôtes rejoindre leurs amis au New Morning. Nous nous quittons sur mille sujets à peine effleurés : leur venue à Paris, la musique cubaine, leur prochain album...

 

 

 

 

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